Végétation urbaine

2018-2020

Lors de flâneries à Montréal, j’en suis venue à capter diverses manifestations de végétation dans la ville.
Cela a été l’occasion pour moi de créer des images poétiques en associant matières de fabrication humaine et matières végétales. J’ essaie toujours d’extraire le beau dans ce qui parfois peut paraître quotidien ou banal. Lors de ces recherches, un questionnement a surgi sur notre rapport à la nature, il a mené au développement de ma série.
Il y a deux parties distinctes dans cette série.

Dans Végétation urbaine, partie I, je prends en photo des plantes urbaine en extérieur. Je reste en général assez loin du sujet, il s’agit de créer des compositions avec des plantes s’insérant de manière harmonieuse dans un décors urbain. Je prends en photo toutes les plantes urbaines présentes : celles qui sont disposées dans la ville par l’humain, mais aussi celles qui n’ont pas été invitées et qui réussissent à pousser malgré le bitume.

Dans Végétation urbaine , partie II , ce sont les plantes d’intérieur qui m’intéressent, celles que l’on aperçoit de l’extérieur à travers les vitres, les moustiquaires ou autres filtres existants. Je crée ici des compositions poétiques grâce aux reflets, à la saleté ou à la texture de ces filtres réels qu s’interposent entre la plante et moi.

Le végétal est l’un de mes sujets photographiques préférés.
Depuis mes débuts en photographie, j’ai réalisé énormément de photos de nature notamment en macrophotographie. Je peux dire que j’aime la Nature et pourtant je suis une vraie citadine. Cette attirance vers la nature m’a porté tout naturellement à prendre en photo la végétation urbaine, cette végétation qui est la plus proche de moi au quotidien.
Au delà de la recherche esthétique, cela m’a permis de m’interroger sur le rapport que la société moderne occidentale a depuis longtemps établi avec la nature. Ce rapport est ambivalent. Nous voulons contrôler cette nature ce qui amène le plus souvent à sa maltraitance et à sa destruction mais en même nous l’aimons, nous ne pouvons nous passer d’elle (en mettant de côté le fait que nous avons besoin d’elle parce qu’elle nous nourrit).
La manifestation de cette ambivalence domination/amour apparait dans les villes majoritairement sous forme de parterres sur les trottoirs, de petits jardins ou de parcs, La nature y est controlée et sculptée par l’humain pour son agrément et son bien-être.
Ici le végétal devient un objet façonné uniquement pour l’usage de l’humain et les plantes qui y poussent sans “autorisation” sont appelées “mauvaises” herbes.
Cette ambivalence est présente au coeur même de nos maisons puisque nous décorons nos intérieurs de plantes. Nous avons ainsi l’illusion que nous avons encore un petit lien avec la nature. Celles-ci sont le sujet de la seconde partie de ma série. Lors de mes vagabondages, je voyais tellement de plantes et de fleurs à travers les vitres que j’ai voulu les intégrer dans mes images. Un jour, le vent s’est levé et m’a décoiffé alors que j’étais en train de les photographier. J’ai ressenti alors un étrange malaise. Moi en extérieur, elles à l’intérieur, ces positions m’ont paru complètement inversées, anormales .
Ces plantes que nous appelons d’ailleurs “plantes d’intérieur” n’ont pas de contact direct avec l’extérieur. Elles ne sentent ni le vent ni les intempéries. Leurs racines sont déconnectées d’un microcosme naturel et donc de leurs congénères. Elles vivent dans un milieu aseptisé à la merci de leur maitre dont leur survie et leur reproduction dépendent totalement. Comme pour les animaux domestiques, nous avons crée artificiellement un rapport de dépendance entre cette plante et nous.
De nombreuses questions se posent alors.
Que peuvent “ressentir” ces plantes face à cet enfermement malgré l’absence d’un système nerveux ?
Comment situer l’humain à L’intérieur de la Nature, de ce qui est, de ce qui vit et fait partie d’un grand tout ?
Comment en sommes nous arrivés là dans notre relation à la nature ?
Comment grâce à la connaissance des fonctionnements du végétal pourrions-nous faire évoluer notre anthropocentrisme vers un rapport équilibré et respectueux du vivant qui nous entoure ?
Le questionnement sur la relation ambivalente qu’entretient jusqu’à aujourd’hui l’humain moderne occidental et la nature est à la fois anthropologique et philosophique. Il permet de réfléchir sur l’origine de ce comportement, de construire en quelque sorte une généalogie de ce rappor ambivalent et ainsi trouver des pistes de solutions qui permettrait de (re)construire un rapport équilibré et respectueux avec le vivant.

Végétation urbaine II





Végétation urbaine I



︎︎︎    ︎︎︎    ︎︎︎  





photographies et textes ©Anne-Claire Vimal du Monteil. All rights reserved.Tous droits réservés.